J’avais une passion, je dirais même une addiction aux vidéos sur les réseaux comme Instagram de « conseil beauté », « routine beauté », ASMR rangement cosmétique, Unboxing de nouvelle marque cosmétique, avec ses crash-test etc.… 
Ces vidéos mettent en scène des univers qui pourraient être qualifiés de manière un peu péjorative de « Girly ». C’est très rose, c’est très mignon, il y a un univers assez kitsch voire enfantin. Et on sait comment fonctionne Instagram une fois que tu commences à regarder un type de contenu, t’es bombardé et tout s’uniformise, et puis je n’ai pas fait en sorte d’en sortir non plus. Il y a quelque chose qui me fascine dans ces vidéos, ce sont les outils de cosmétique qui accompagnent ces rituels de beauté. IL y en a des tonnes avec des usages très variés qui sont toujours présentés comme des solution miracle pour rester belle et jeune. (Il ne faut pas que les traces du temps se posent sur nous les femmes, ça serait vraiment dommage.). 
Enfin bon, je regarde toutes ces vidéos, je ne suis pas contre le maquillage, je ne suis pas contre prendre soin de soi, au contraire moi, j’aime bien, donc je suis quand même dedans quoi.  

              Et un jour je tombe sur une publicité qui fait la promotion d’un outil étrange. C’est un objet pour faire du « palpé roulé » à domicile.  Le « palpé roulé » est une technique de massage qui sert a, je cite « exploser la cellulite ». Et qui est mis en avant dans cette publicité comme un indispensable à avoir facile a utiliser et indolore pour un résultat de lissage parfait. 
Très bien : je le vois, je le veux, je le commande, je le reçois, je l’essaie. 
Il faut préciser une chose, c’est que cet objet, ce rouleau, il doit être utilisé 10 min par zone tous les jours, sinon pas de résultats apparemment. c’est donc quand même assez engageant. Je m’y tiens pendant un temps et puis je finis par arrêter parce que j’ai d’autres choses a faire quoi j’ai pas le temps, et je vois pas de résultat et en plus ca fait assez mal finalement. Publicité complètement mensongère sur le côté indolore. 
             Je vous raconte cette anecdote, parce que finalement, elle se révèle être le point de départ de ma réflexion sur l’ambivalence de ces objets féminins que j’ai eu particulièrement envie d’explorer et de développer, tant dans leur représentation que dans leur design qui est assez signifiant. En effet, ma première impression, c’est que finalement cet objet, je le trouve assez violent.  Déjà physiquement parce que le process qui se doit d’exterminer les imperfections physiques est douloureux, mais aussi psychologiquement, car il y a une réalité qui accompagne ces objets, comme une nécessité de rituel pour avoir le résultat escompté et si tu ne le fait pas, si tu ne t’y tiens pas ça peut amener des sentiments assez négatif tel que de culpabilité de la déception etc. Et c’est souvent assez sous-estimé, cette espèce d’effet secondaire. Ces objets semblent matérialiser le besoin pour les femmes d’être physiquement parfaites, le rituel se transforme en rappel et presque en injonction constante de coller aux attentes physiques de la société par le biais de la représentation concrète que sont ces objets.  Aussi, si tu ne les as pas ces objets, potentiellement  tu risque de mal  vieillir, et ça pour une femme au yeux de la société c’est très inquiétant. Ils apparaissent comme des miracles pour aider les femmes à se sentir mieux dans leur peau en gommant les imperfections, ils sont doux,  attrayant dans leur aesthetic, et s’intègrent dans les rituels féminins les rendant quasi indispensables et presque magiques,  en fait, ils sont paradoxalement des éléments douloureux physiquement et moralement.
              Ce décalage entre la promesse de l’environnement aesthetique « girly » et la réalité cauchemardesque que cache cette idée qu’il faut toujours être au top physiquement, qu’il ne faut pas vieillir  qu’il faut se faire mal,  capitaliser sur notre corps pour atteindre ces critères de beauté , en tant qu’artiste je le trouve interessant et je décide de modéliser ma propre collection de petits objets avec peut être un petit décalage qui pourrait leur donner double nature d’objets de désirs et d’objets de tortures.